Argentins et Chiliens l’appellent el sur. Bien plus qu’une direction géographique, ces trois lettres évoquent un monde à part entière, un ailleurs où disparaît la frontière entre imaginaire et réalité, où le voyage et l’aventure intérieure se confondent. Ce sud si lointain, si propice aux mythes et aux récits les plus farfelus, est pourtant bien réel. Il porte un nom depuis le jour où Magellan en a foulé le sol en 1520 : la Patagonie.
Cette vaste région à cheval entre Chili et Argentine couvre tout le cône sud de l’Amérique latine jusqu’au cap Horn. Autrefois peuplée de quelques milliers d’indiens pêcheurs ou chasseurs, la Patagonie a accueilli quantité d’aventuriers, de grands bandits, de savants ou d’explorateurs qui ont contribué à forger sa légende. Elle est aujourd’hui constituée de quelques rares centres urbains et de vastes étendues vierges de toutes traces humaines. Rumbo al sur, « mettre le cap au sud », c’est ouvrir la porte à la démesure des distances et de l’espace, au vertige d’une nature grandiose tant par son austérité que par son exubérance, à la rudesse d’un climat imprévisible et sans concession. C’est entrer dans un rapport au temps et à la relation humaine étrangement transformé.
Naissance d’un mythe
Pendant les trois siècles qui suivent l’arrivée de Magellan, la Patagonie devient la terre d’accueil d’une déferlante d’aventuriers audacieux, de scientifiques, de pionniers, d’illuminés en tous genres et de grands visionnaires. Les uns sont poussés par la fièvre de l’or, les autres par une soif de découverte et d’exploration, les derniers par la nécessité de se faire oublier.
Par voie terrestre ou maritime, les expéditions espagnoles se succèdent en quête d’une mythique Cité des Césars regorgeant de trésors et de richesses. Parallèlement, des découvertes fondamentales ont lieu tout au long de cette période. On peut citer l’intrépide navigateur anglais, Francis Drake, qui réussit à relier en 1578 l’Atlantique au Pacifique par le passage qui porte aujourd’hui son nom. Un peu plus tard, en 1616, le Hollandais Guillaume Cornelius Schouten double officiellement pour la première fois le célèbre cap auquel il donne le nom de sa cité d’origine, Hoorn.
Après le temps des explorateurs vient celui des scientifiques : à partir du XVIIIe siècle, la Patagonie devient un véritable laboratoire à ciel ouvert pour les géologues, biologistes et autres ethnologues. L’histoire sera marquée par le passage, à bord du Beagle commandé par le capitaine Fitz Roy, du naturaliste anglais Charles Darwin, père de la théorie révolutionnaire sur l’évolution des espèces. Dans un tout autre genre mais non moins marquant pour la construction du mythe patagon, Buch Cassidy et Sundance Kid, les bandits les plus recherchés des États-Unis, s’installent en Patagonie en 1901.
On peut aussi citer Mermoz, Guillaumet, Saint-Exupéry et l’Argentin Cambaceres, pionniers de l’aviation dans la région et qui incarnent dans les années 1920 l’épopée de l’Aéropostale. Ils laissent des récits épiques sur l’ouverture des premières lignes aériennes de Patagonie et la traversée des Andes où l’aventure humaine prend une dimension rarement égalée.
Histoire d’une frontière
C’est en 1881 que la Patagonie est officiellement partagée entre le Chili et l’Argentine mais le tracé de la frontière entre les deux pays est pendant de nombreuses années un sujet de discorde et de tensions. Le Chili prétend que la frontière doit suivre le partage des eaux entre les lacs qui se déversent dans le Pacifique et ceux qui s’écoulent vers l’Atlantique. L’Argentine défend le principe des plus hauts sommets… En 1902, le roi d’Angleterre Edouard VII s’appuie sur les relevés topographiques et les travaux du géographe et scientifique Perito Moreno et arbitre en faveur de la thèse argentine qui récupère 42 000 km² de territoire. Des divergences entre les deux pays ont récemment ressurgi à propos de l’énorme réserve d’eau douce que constitue le Campo de Hielo, immense glacier à cheval sur les deux pays.
La Patagonie – carte d’identité
Superficie : 353 549 km² au Chili et 786 983 km² en Argentine soit deux fois la France
Population : 2,6 millions au Chili et 1,7 millions en Argentine
On peut distinguer quatre grands ensembles géographiques et climatiques à la Patagonie :
- le littoral Atlantique déroule ses côtes désertiques et poussiéreuses sur des milliers de kilomètres depuis la Péninsule Valdès au nord jusqu’au sud de la province de Santa Cruz, avec sa faune marine exceptionnelle : baleines franches australes, manchots de Magellan, orques, colonies d’otaries et autres oiseaux en tous genres.
- le nord de la Patagonie et la région des grands lacs, avec leurs eaux glaciaires aux tons turquoises et leurs dimensions hors norme, leurs ramifications sans fin qui embrassent le pied de la Cordillère des Andes de part et d’autre de la frontière Chili- Argentine.
- au sud, la Patagonie australe telle qu’on la rêve avec ses immenses étendues de pampa à perte de vue, ses mesetas désertiques, ses massifs montagneux spectaculaires (Fitz Roy, Torres del Paine, San Lorenzo…) et ses gigantesques glaciers.
- la Terre de Feu, un monde à part où la Cordillère termine sa course dans la mer, où s’entremêlent fjords et innombrables canaux, un monde de glace, de forêts humides et de vents violents dont les quelques noms suffisent à éveiller l’imaginaire : détroit de Magellan, canal de Beagle, Ushuaia, Cap Horn.
Voyage photo 2023 en Patagonie
Je sillonne et photographie la Patagonie depuis presque 30 ans. Je propose en octobre 2023 un voyage photo de 14 jours réservé à un petit groupe de 8 participants. Le voyage est accessible à tous les niveaux photo.
Au programme : la Péninsule Valdès sur la côte Atlantique et ses baleines venues d’Antarctique mettre bas au printemps, les manchots de Magellan, les paysages de la Cordillère des Andes et le fameux glacier Perito Moreno.
Le voyage permet une pratique de la photographie de paysage et de faune sauvage (baleine, manchots, condors, guanacos…). Nous passons 2 jours dans une estancia pour découvrir le quotidien des gauchos et du travail du bétail.